Les trésors de Moutier-Grandval

Introduction
Le chapitre de Moutier-Grandval avait hérité de l’abbaye de ce nom un important trésor dont il ne reste plus, chez nous, que quelques objets de valeur. Ce trésor a toujours été mis en sûreté au cours des guerres qui ont dévasté notre pays. Depuis lors, il est conservé en l’église paroissiale de Saint-Marcel, à Delémont. Voici ce qu’il en reste:

Les corps de saint Germain et de saint Randoald
Les deux squelettes des saint Germains et Randoald, morts martyrs à la Communance au sud de la ville de Delémont, le 21 février 675, reposaient jusqu’en 1530, dans un caveau situé sous et derrière le maître-autel de la collégiale de Moutier. En 1581, le corps de saint Germain est déposé dans une châsse d’argent doré exécuté par un orfèvre de Neuchâtel-sur-le-Rhin, tandis que le squelette de saint Randoald est placé dans une châsse de bois doré, oeuvre du peintre Simon de Staint-Hippolyte. En 1768, les deux corps ont été exposés à la vénération des fidèles dans deux niches vitrées. On peut encore les voir aujourd’hui des deux côtés du choeur de l’église de Saint-Marcel, à Delémont.

Le calice dit de Saint Germain
Il est en argent doré. Hauteur 15 cm. Diamètre de la coupe 12,5 cm. Diamètre de la patène 15,2 cm. Rosace entre le pied et la coupe. Contrairement à ce que l’on pense, ce calice n’est pas du VIIe siècle, mais bien du début du XIIIe siècle. Il est peu postérieur au calice de Gottfried d’Eptingen (vers 1213).

Les sandales de Saint Germain
Voici ce qu’en pense Quiquerez: « Elles sont bien dans le style des chaussures liturgiques de cette époque. Leur confection offre une particularité très remarquable, en ce sens que chaque sandale est formée d’une seule pièce de basane, découpée de telle sorte que cet unique morceau constitue la semelle, l’empeigne, les côtés et le quartier. Une croix est parfaitement tracée sur la languette des souliers de saint Germain. D’ailleurs, ces souliers ont été portés, mais rarement et sans doute sur un sol uni et sec.

Il ont appartenu à un personnage de petite taille ou bien possédant un petit pied puisqu’ils ne mesurent que 260 millimètres de long sur 94 de large. Ces dimensions correspondent à la taille et au pied du squelette.

La crosse de Saint Germain
C’est sans contredit, la plus belle pièce. C’est une pièce unique, de très grande valeur. Bâton de coudrier dont la partie supérieure est recourbée en bec-de-corbin. Longueur 119 cm; diamètre en haut, 24 mm, un peu moins en bas. Le bois est revêtu de feuilles d’argent battues.

La partie du bas est endommagée. Les bords se rejoignent à recouvrement et sont fixés sur le joint par de petits clous d’argent distants les uns des autres de 20 à 22 mm. Les joints des tubes ainsi formés par ces feuilles d’argent sont masqués par des anneaux d’argent ornés de dessins gravés.

La poignée qui mesure 14 cm commence à la virole d’or. Elle est recouverte par cinq petites plaques d’argent qui en épousent la forme et qui sont maintenues par quatre bandes, très minces, d’or, dont une sur chaque flanc, fixées à l’aide de clous et par quatre bandes transversales, d’or aussi.

Le corbin est recouvert à son tour d’une feuille d’or chargée d’émaux cloisonnés. On y voit la main de deux orfèvres. La crosse terminée, le dos du corbin était orné de douze grands S. Il n’en reste plus que huit. La partie supérieure du neuvième apparaît encore au-dessous de la poignée. Le bâton pastoral ayant été porté par saint Germain et par son successeur, quatre des motifs furent endommagés, car la main gauche de l’officiant ne s’appuyait pas la poignée, mais tenait la crosse au-dessous du corbin. Ceci explique une restauration subséquente d’émaux en forme de chevrons alternant entre le rouge et le vert, placés dans huit rectangles. Trois de ces derniers ont disparu, de nouveau à la suite d’une longue manipulation.

Mais, revenons à la décoration primitive. Sur la feuille d’or fixée, elle, sur une feuille d’argent – exactement comme la croix de saint Eloi – sont soudés des filets d’or et des cloisons du même métal, les un lisses, les autres ouvragés, formant des cellules et épousant la forme de l’S. Ces S sont reliés par de petits triangles. Dans ces cellules, l’artiste a déposé des émaux rouges, verts et bleus.

En comparant la croix de saint Eloi à la crosse de saint Germain, nous sommes bien en présence de l’opus inclorium, cette technique de l’orfèvrerie cloisonnée qui passait au moyen âge et dès le IXe siècle pour avoir caractérisé les oeuvres de saint Eloi.